José, un des derniers ' tullistes ' de Calais

CALAIS (de notre envoyé spécial). ¯ Chez Codentel, le patron a décrété les 35 heures. Pas par goût du social, mais à cause d'un creux de charge qui ne permet pas de faire travailler l'atelier à plein. « Cela dure depuis un mois. On gagne un peu moins, mais cela ne devrait pas durer. Pour le début de l'année prochaine, les perspectives sont bonnes », se plaît à croire José Leclercq qui en profite pour bricoler à la maison.

Pas de catastrophisme. C'est vrai qu'à côté d'autres entreprises de la dentelle, la sienne est plutôt bien lotie. Noyon, par exemple, la plus grosse avec ses 445 salariés, mise en règlement judiciaire début octobre. Des licenciements sont annoncés. Peut-être la moitié du personnel. Et ce n'est sans doute pas fini.

Il est loin le temps où la dentelle faisait vivre tout le Calaisis. « Jusqu'à 400 fabricants, 4 500 machines, 40 000 salariés en 1905 », raconte Olivier Noyon, président de l'entreprise aujourd'hui dans la tourmente. La belle histoire commence en 1817 avec « l'importation » en fraude d'un métier à dentelles venu d'Angleterre. Les Anglais avaient prévenu : la mort pour le contrebandier. L'un d'eux, plus hardi, passe outre et réussit.

Grâce à cette merveille de technologie, Calais concurrence Nottingham. L'étranger apprécie la finesse du point, la qualité des dessins. La notoriété devient internationale. En 1904, premier coup de frein quand les États-Unis, gros client, adoptent une loi protectionniste qui stoppe les exportations. La guerre survient. Rien ne sera jamais plus comme avant.

La dentelle est une activité cyclique, très dépendante de la situation économique. « On a toujours connu des hauts et des bas. Dans les périodes de crise, les usines fermaient, on bâchait les machines. Et puis, trois-quatre ans plus tard, on rouvrait », dit encore Olivier Noyon. Mais, petit à petit, le secteur perd de son importance, les effectifs fondent. Au début des années 2000, la chute s'accélère quand l'Asie se met à faire de la dentelle tricotée. Moins solide (pas de noeuds) et moins belle que celle des métiers de Calais. Mais dix fois moins chère. De là, les difficultés actuelles.